Déforestation : les importations de la France représentent 15 millions d’hectares
Dans un rapport qui sera publié jeudi, le WWF détaille la part de responsabilité de la France dans la déforestation. En creux, on comprend mieux comment agir.
Ces millions d’hectares de jungle partis en fumée pour cultiver de l’huile de palme ? Insupportable. Ces pans entiers de forêt amazonienne rasés par les géants de l’agrobusiness pour y faire pousser du soja ? Inadmissible… Mais, au fond, tellement loin de la France. Lorsqu’on parle de déforestation, on a beau jeu de critiquer la politique de la terre brûlée de certains pays d’Amérique latine, d’Asie ou d’Afrique. En oubliant un peu vite que la France, via ses importations de matières premières et de produits alimentaires, y contribue. Et pas qu’un peu.
Soja, cacao, bœuf, bois, pâte à papier, hévéa, huile de palme… Dans un rapport qui sera dévoilé jeudi, et que nous vous révélons, le WWF estime que la France a recours, pour acheter ces sept matières premières, à près de 15 millions d’hectares de terres et de forêts situées à l’étranger, dont 5 millions au cœur de pays présentant un risque élevé de déforestation. Soit deux fois la superficie de la Bretagne pour satisfaire nos seuls besoins. « Mais les consommateurs peuvent apprendre à consommer mieux pour moins participer à la déforestation de la planète », estime Arnaud Gauffier, responsable agriculture et alimentation au WWF. Suivez le guide.
Cacao contre grands singes. « Pour satisfaire ses besoins en chocolat, la France importe 10 % de la production mondiale de cacao, soit 500 000 t de fèves principalement produites en Côte d’Ivoire et au Ghana », explique le responsable associatif. Les seules importations tricolores nécessitent 1,5 million d’hectares par an. « Des forêts primaires riches de plusieurs centaines d’espèces d’arbres et qui constituent l’habitat des éléphants et des grands singes sont rasées pour satisfaire la demande mondiale en cacao », ajoute Arnaud Gauffier. Si vous ne pouvez pas refréner votre goût immodéré pour le chocolat, le WWF conseille de privilégier des marques certifiées du point de vue environnemental et social : Rainforest Alliance, UTZ, Fairtrade, Agriculture biologique.
De l’huile de palme dans nos moteurs. Si 30 % de nos importations d’huile de palme sont destinées à nos produits alimentaires et cosmétiques (biscuits, chocolat, glace, margarine, savons), le WWF estime que 460 000 t importées chaque année en France pour être transformées en agrocarburants « finissent en particules fines dans l’air de nos villes et contribuent à la destruction de l’habitat des orangs-outans (en Indonésie et Malaisie, les deux principaux pays producteurs), tigres de Sumatra ou Rhinocéros de Bornéo ». « Total s’apprête à en remettre une couche avec l’ouverture de la bioraffinerie de la Mède qui devrait fabriquer pas moins de 500 000 t de diesel par an, principalement à partir d’huile de palme », dénonce Arnaud Gauffier.
Optez pour le papier toilette recyclé. Vous ne l’entendez pas, mais derrière les feuilles blanches et cartons d’emballage que nous utilisons résonne le bruit des tronçonneuses. Nous importons chaque année 40 % de nos besoins en la matière, principalement de Suède et de Finlande. « La surface requise pour satisfaire ces imports est estimée à 4,2 millions d’hectares, soit l’équivalent de plus d’un quart de la forêt française », estime le WWF. Un conseil : évitez les impressions inutiles et achetez votre papier toilette ou votre papeterie en papier recyclé, si possible avec la certification FSC qui permet de soutenir une gestion responsable des forêts.
Tout doux sur le caoutchouc. Pneus, ballons, gants en latex : le caoutchouc naturel (produit à base d’hévéa) est utilisé dans de nombreuses applications industrielles. Sa production mondiale a augmenté de 75 % depuis l’an 2000. Pour satisfaire notamment les demandes des fabricants de pneus, la France en importe d’Indonésie, de Malaisie et de Thaïlande. 349 000 ha de forêts d’hévéa sont nécessaires, selon le WWF, pour répondre à ces besoins. « Les plantations d’hévéa ont été à l’origine d’accaparement de terres et de perte de moyens de subsistance pour les populations locales », dénonce le WWF.
Viande et cuir, l’effet bœuf. D’après les calculs du WWF, la France importe en moyenne 260 000 t de viande bovine et 100 000 t de cuir principalement sous forme de chaussures, de sacs et de gants. Or, « la production bovine est le principal facteur de déforestation dans un certain nombre d’écosystèmes uniques et menacés », détaille le WWF. Pour ses importations, la France a besoin d’une surface équivalente à deux fois la taille de la région parisienne ! « La seule solution efficace pour éviter de contribuer à la déforestation dans ce cas est d’acheter de la viande élevée en France, de limiter l’achat de paires de chaussures en cuir ou d’en acheter avec le label bio », conseille le WWF.
[Source: Le Parisien]